La narcolepsie, une maladie auto-immune ? Une preuve de plus !

M. Lecendreux et al., Narcolepsy type 1 is associated with a systemic increase and activation of regulatory T cells and with a systemic activation of global T cells. Plos One, January 2017.

Depuis plusieurs années, les chercheurs soupçonnent notre système immunitaire  d’être coupable dans certaines formes de narcolepsie. Ce « Papier à la Une » en est une nouvelle preuve. Ici, ce sont particulièrement les lymphocytes T régulateurs qui sont au centre de l’affaire.

La narcolepsie, un trouble du sommeil

Lorsque l’on parle de narcolepsie, l’image d’une personne qui s’endort en une fraction de seconde nous vient à l’esprit. La narcolepsie de type 1 est un trouble du sommeil rare qui se caractérise par des somnolences diurnes et une cataplexie(1). Cette maladie serait due à la perte de neurones situés dans l’hypothalamus et responsables de la production d’un neurotransmetteur(2) appelé hypocrétine (ou orexine). A l’origine, l’hypocrétine a été identifiée pour son implication dans la sensation d’appétit. Il semblerait qu’une production insuffisante de ce neurotransmetteur soit également impliquée dans la narcolepsie.

La narcolepsie, une maladie auto-immune ?

Les chercheurs pensent que, chez les narcoleptiques, les neurones sécréteurs d’hypocrétine sont détruits par leur propre système immunitaire. Il s’agirait donc d’une maladie auto-immune. C’est à dire que les cellules du système immunitaire reconnaissent ces neurones comme étrangers – et donc – les éliminent !

Michel Lecendreux, Guillaume Churlaud et leurs collègues ont comparé 31 personnes narcoleptiques à 32 personnes non atteintes par cette maladie. Ils ont étudié la fréquence de différentes populations de cellules immunitaires dans leur sang par cytométrie en flux (technique abordée récemment sur Chercheur&Co !). En plus de montrer que le système immunitaire des personnes narcoleptiques est anormalement activé, ils ont repéré la présence accrue d’une population de lymphocytes T particulière : les lymphocytes T régulateurs.

Les lymphocytes T régulateurs « garde-fou » de notre système immunitaire

Lors d’une réaction immunitaire, certaines cellules sont heureusement là pour réguler son intensité. Elles évitent ainsi une inflammation trop importante, qui pourrait endommager notre organisme, et permettent un retour à la normale une fois la menace éliminée. Ces cellules sont appelées lymphocytes T régulateurs ou plus couramment Treg. Pour jouer leur rôle régulateur, ils vont par exemple produire des molécules inhibitrices, limitant l’activité des autres lymphocytes que l’on appelle généralement « effecteurs ».

Un lien entre Treg et narcolepsie ?

Si on suit la thèse de la maladie auto-immune, nous pourrions penser que la narcolepsie est due à l’absence de Treg. Si les Treg sont absents, le système immunitaire n’est plus contrôlé et s’emballe (et c’est bien ce que les auteurs montrent, une activation forte du système immunitaire !). Jusqu’ici, notre réflexion tient la route.

Pourtant, ces travaux montrent une fréquence plus importante de Treg dans le sang des personnes narcoleptiques par rapport aux témoins. Les Treg sont également plus activés(3). Mais alors, notre hypothèse tombe à l’eau ??? Eh bien non car quantité ne veut pas dire qualité…

Malgré leur nombre et leur activation, les Treg sont peut-être incapables de produire les molécules inhibitrices essentielles pour jouer leur rôle régulateur. On parlerait alors d’un défaut fonctionnel des Treg. Cet aspect n’a pas encore été exploré mais au fur et à mesure les preuves s’accumulent en faveur d’une implication du système immunitaire dans la narcolepsie. Mieux connaître la menace, c’est déjà une avancée majeure pour ensuite adopter les bonnes stratégies !

 

(1) Perte brutale du tonus musculaire, souvent suite à une émotion forte.
(2) Composé chimique produit par les neurones pour communiquer avec d’autres neurones.
(3) Les auteurs montrent l’expression plus forte, à la surface des cellules, de molécules associées à un état activé.

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