Bad Blood, de John Carreyrou, raconte l’histoire incroyable d’une start-up qui avait pourtant tout pour plaire: Theranos. Incroyable dans le sens où, page après page, on se demande comment tout cela a pu tenir aussi longtemps sans éclater plus tôt au grand jour. 15 années pendant lesquelles, Elizabeth Holmes, fondatrice et directrice de Theranos, a fait vivre une invention technologique qui se révèle maintenant être une des plus grandes tromperies dans l’histoire des biotechnologies. Mettant même potentiellement en péril des vies humaines.

« The lab test, reinvented »

Tel était le slogan de la société (« les tests en laboratoire réinventés »). L’idée de départ était ingénieuse et promettait d’être révolutionnaire : pouvoir réaliser 99% des tests sanguins actuellement existants avec une simple goutte de sang. Plus besoin donc de prélever le sang dans la veine du patient à l’aide d’une aiguille comme c’est aujourd’hui le cas dans tous les laboratoires du monde. Une petite piqure au bout du doigt devait suffire pour réaliser toute une batterie de tests. La start-up a ainsi breveté un dispositif appelé « nanotainer » pour récolter la goutte de sang et des machines spéciales pour pouvoir réaliser les tests. Theranos prônait également l’obtention des résultats en quelques heures, directement envoyés sur la boite mail du patient.

Sur le papier, tout semble merveilleux, pourtant il s’avère que les résultats rendus aux patients ont été la plupart du temps erronés. Ce qui s’explique par de nombreuses erreurs à la fois dans la manipulation des échantillons de sang mais aussi par un dysfonctionnement de la technologie elle-même. Le tout bien entendu caché aux investisseurs et tente d’etre dissimule aux employés. L’histoire révèle justement que les employés qui ont vu clair dans ce jeu dangereux ont soit quitté eux même le navire ou ont été discretement évincés.

Les choses en grand

Avec son idée, Elizabeth Holmes a réussi à mobiliser de nombreux investisseurs et à lever des centaines de millions de dollar. Parmi les investisseurs, de grand nom comme Rupert Murdoch, riche homme d’affaire et actionnaire majoritaire d’un des plus grands groupes médiatiques au monde, ont fait confiance au projet.

Dans ce livre, nous découvrons une directrice ambitieuse qui se lance très jeune et tente clairement de reproduire des success stories telles que Facebook et Apple. Plusieurs faits exposés par l’auteur, John Carreyrou, vont en effet dans ce sens.

Mais il y a bien une différence entre des sociétés comme Apple ou Facebook qui développent des technologies et Theranos qui opérait dans le domaine des BIOtechnologies. Une différence semble-t-il largement négligée par les dirigeants….

Une tromperie aux conséquences graves

Imaginez que demain vous receviez une analyse de sang annonçant des taux anormaux de fer ou de toute autre molécule importante pour le fonctionnement du corps humain. Quelle serait votre réaction ? Tout d’abord de l’anxiété due à la potentielle signification de cette analyse alarmante. Ensuite, de tels résultats peuvent pousser à prendre des décisions médicales non nécessaires. C’est par exemple le cas de personnes sous traitement continu pour la thyroïde et qui ont besoin de vérifier leur taux de TSH régulièrement de façon à pouvoir ajuster le dosage du médicament. Plusieurs cas de patients dans cette situation et ayant utilisé la technologie de Theranos ont été rapportés. Heureusement, un résultat alarmant, rendu par Theranos, conduisait souvent le médecin à faire restester un échantillon de sang de son patient avec d’autres technologies pour confirmer avant d’agir. Des vérifications qui révélaient finalement des taux normaux.

C’est sur ce point que l’histoire parait hallucinante : comment est-ce possible que ces évènements n’aient pas permis plus tôt de tirer la sonnette d’alarme ? D’autres faits relatés dans ce livre, et que je vous laisse découvrir par vous-même, paraissent aujourd’hui incroyables et auraient dû en toute logique arrêter cette machine infernale.

Une enquête journalistique remarquable

Revenons-en au livre en lui-même. Bill Gates a dit : « Je ne pouvais pas lâcher ce thriller ». John Carreyrou, journaliste pour le Wall Street Journal à l’origine de l’article ayant pour la première fois dévoilé le scandale au grand jour, a fait en sorte que cette histoire, pourtant déjà connue du public, soit pleine de suspens et de rebondissements. On découvre les coulisses de la start-up grâce aux témoignages d’anciens employés, certains ayant eu un rôle important dans la société. L’auteur tente également de creuser le passé et la vie personnelle d’Elizabeth Holmes afin de comprendre comment Theranos est né et surtout tenter de comprendre ses choix sur la façon de diriger la start-up.

En bref, ce livre a le pouvoir de plaire à des lecteurs de différents horizons. Que vous aimiez les enquêtes policières, les biographies ou l’univers des biotechnologies et des start-up, vous y trouverez votre bonheur.