3ème Journée Scientifique Sidaction

Vendredi dernier j’ai participé à la 3ème Journée Scientifique Sidaction (JSS), organisée à la mairie du 10ème arrondissement de Paris. Depuis 2015, cette journée est avant tout une rencontre entre les chercheurs et les acteurs de Sidaction. L’occasion pour les chercheurs de présenter l’avancée de leurs travaux  avec un but commun : lutter contre le Sida. Les échanges pendant cette journée sont pluridisciplinaires, combinant recherches fondamentales, biomédicales et en sciences sociales. Présentations orales, posters, discussions… un petit compte rendu s’impose !

La JSS 2017 à la mairie du 10ème arrondissement de Paris

La JSS 2017 à la mairie du 10ème arrondissement de Paris.
Sidaction en quelques mots

Sidaction apporte une aide précieuse aux équipes de recherche travaillant sur le Sida. Chaque année, l’association soutient des projets et des jeunes chercheurs. Il faut savoir que 50% des fonds sont alloués à la recherche. L’autre moitié permet de soutenir des programmes de préventions et d’aide aux malades.

Une grande importance est également accordée à la communication. Le magazine Transversal, par exemple, relate les actualités en lien avec la lutte contre le Sida. Le contact avec les chercheurs est maintenu par diverses initiatives comme l’Université des jeunes chercheurs, des journées doc/post-doc, des visites de laboratoires et … Les JSS !

Une journée pluridisciplinaire

Cette année, la journée s’est découpée en 4 sessions, dédiées à des thématiques différentes. Nous avons entendu parler de virologie, d’immunité innée(1), d’immunité adaptative(2) et enfin de politiques publiques et de prise en charge des personnes séropositives.

C’est ce que j’apprécie dans ces journées : l’approche pluridisciplinaire permet de découvrir les différents niveaux d’intervention pour lutter contre le Sida. On se rend compte, bien sûr, de l’importance de développer de nouveaux traitements et de mettre au point un vaccin mais encore faut-il que la population concernée y ait accès…C’est tout l’enjeu des recherches menées en sciences sociales.

Mélanie Plazy – de l’institut de santé publique d’épidémiologie et de développement de Bordeaux – nous a présenté son étude menée en Afrique du Sud. Elle a recueilli les retours d’expérience de professionnelles de santé suite à la mise en place d’un traitement antirétroviral universel dans une zone rurale. Le but était d’estimer la faisabilité d’une telle initiative et de dégager des pistes d’améliorations. La nécessité d’un accompagnement personnalisé par les professionnels de santé a ainsi pu être mise en évidence.

Cecilia Santilli – de l’unité Sesstim(3) à Marseille – a ensuite abordé son étude des politiques publiques de prise en charge des migrants africains. Elle s’est intéressée à la comparaison des politiques entre Rome et Paris. Des fonctionnements bien différents avec des avantages et des inconvénients mais globalement des progrès restent à faire pour la prise en charge de ces personnes fortement touchées par le Sida et dans des situations socio-économiques précaires.

La recherche fondamentale pour mieux comprendre et combattre le VIH

Comme dans tous les domaines de recherche, les études fondamentales sont indispensables et permettent de poser les bases. Difficile d’imaginer lutter contre un virus dont on ne connait absolument rien. Un peu comme si une armée se lançait à l’attaque de l’ennemi sans avoir étudié le terrain et décrypté la stratégie du camp adverse.

Ainsi, les chercheurs décryptent la structure du VIH, son fonctionnement et les mécanismes mis en place par notre système immunitaire pour le combattre. Nous avons par exemple appris qu’une protéine du VIH (la nucléocapside) est indispensable au maintien de la stabilité du génome du virus(4). Ou encore qu’une autre protéine (Vif) est capable d’inhiber un des mécanismes de défense de nos cellules(5). De nouvelles connaissances sur la structure du VIH que les chercheurs vont pouvoir mettre à profit pour le déstabiliser.

Ester Gea-Mallorqui, jeune chercheuse à l’institut Curie, s’intéresse pour sa part aux caractéristiques du VIH-2. Il s’agit d’une autre forme du virus, moins agressive, touchant majoritairement l’Afrique de l’ouest. Les chercheurs tentent de comprendre ce qui rend le VIH-2 moins pathogénique. Ester a par exemple montré que des cellules de notre système immunitaire (les macrophages), lorsqu’elles sont infectées par le VIH-2, produisent à leur tour des virus beaucoup moins infectieux. Quel est le mécanisme exact de la réplication du VIH-2 dans ces cellules ? C’est ce qu’il reste à découvrir…

Constance Delaugerre, présidente du comité scientifique de Sidaction

Constance Delaugerre, virologue à l’Hôpital Saint-Louis et présidente du comité scientifique et médical de Sidaction.
Prendre exemple sur des observations cliniques

Tout le monde ne se défend pas de la même manière contre le VIH et n’a donc pas la même susceptibilité à l’infection. Comprendre les paramètres impliqués dans ces différences de susceptibilité pourrait permettre d’établir de nouvelles stratégies de traitement ou de vaccination.

Pascal Azar, chercheur au Centre de Physiopathologie de Toulouse Purpan, nous a montré que les femmes ont des réponses immunitaires plus fortes. Cela s’expliquerait, en partie, par l’expression d’une forme particulière d’un récepteur de l’immunité innée. Ce récepteur, présent à l’intérieur des cellules, est capable de reconnaître le virus est de déclencher la production d’une molécule antivirale.

Cependant, une forte réaction immunitaire n’est pas forcément bénéfique dans le cas de l’infection par le VIH. Cette inflammation mène généralement à une progression plus rapide de la maladie. Dans une perspective de traitement, il serait donc préférable de réussir à limiter, ou au moins équilibrer, la production de cette molécule antivirale. Les travaux présentés par Jean-Philippe Herbeuval, du pôle pharmacologie et toxicologie de l’Université Paris Descartes, ont justement permis d’identifier deux inhibiteurs naturels capables de jouer ce rôle.

Enfin, deux des présentations de la journée reposaient sur l’étude de patients appelés « contrôleurs du VIH ». Ils sont capables de contrôler le virus et de le maintenir indétectable dans le sang sans aucun traitement. Dans ce cas, la compréhension des mécanismes impliqués dans le contrôle du VIH pourrait être d’une aide précieuse pour développer un vaccin. Les mécanismes sont probablement nombreux mais parmi eux, Mathieu Angin et Madhura Mukhopadhyay, chercheurs à l’institut Pasteur, nous ont montré que l’activité métabolique des lymphocytes T CD8 et le répertoire de lymphocytes T CD4 sont très particuliers chez les patients contrôleurs.

Une occasion d’échanger, discuter, collaborer

En dehors des présentations orales, la JSS c’est aussi des temps de pauses consacrés aux échanges entre les chercheurs. Il n’est pas rare qu’une collaboration se mettre en place autour d’un café !  Le chercheur découvre parfois que son voisin de laboratoire, qu’il a pourtant croisé à plusieurs reprises, a justement l’outil qu’il cherche depuis des mois. J’en reviens donc à l’importance de la communication entre les chercheurs. Un aspect parfois négligé mais auquel j’essaye de redonner du sens avec Chercheur&Co.

Les pauses lors de la JSS 2017, moments d'échanges

Temps de pauses pendant la JSS 2017.

Echanges entre A. Moris et JD Lelièvre

Arnaud Moris du Centre d’immunologie et des Maladies Infectieuses et Jean-Daniel Lelièvre de l’Institut de Recherche Vaccinale.

Les sessions « posters » sont aussi de bonnes occasions d’échanger, souvent moins formelles que les présentations orales. Les barrières que l’on peut avoir lorsque le fameux « Vous avez des questions ? » arrive en fin de discours sont franchies plus facilement devant un poster. A nouveau, les travaux présentés lors de cette session étaient pluridisciplinaires et ont permis des discussions animées entre chercheurs de différents horizons.

Session posters lors de la JSS 2017

Session posters pendant la JSS.
Le mot de la fin

Comme le dit si bien le slogan de Sidaction, nous devons « Lutter ensemble contre le Sida » alors n’oubliez pas le week-end Sidaction du 24 au 26 mars 2017 !

(1) Première ligne de défense de notre système immunitaire.
(2) Seconde ligne de défense, plus longue à se mettre en place.
(3) Sciences Economiques & Sociales de la Santé & Traitement de l’Information Médicale.
(4) Olivier Mauffret, Laboratoire de Biologie et de pharmacologie appliquée – École Normale Supérieure Paris Saclay.
(5) Jean-Cristophe Paillart, CNRS, Université de Strasbourg.

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