La PCR : À la recherche de l’ADN

Nous avons retrouvé votre ADN sur l’arme du crime, nous avons toutes les preuves de votre culpabilité !

Ce type de phrase, aujourd’hui célèbre dans les séries policières, a mis en lumière l’importance de la police scientifique. Mais derrière cette phrase si routinière dans le monde judiciaire, se cache une technique utilisée depuis bien longtemps par les chercheurs: la PCR.

Le lieu du crime: l’ADN

Avant de chercher à identifier un criminel les scientifiques se sont d’abord demander comment identifier un gène potentiellement délétère qui pourrait être présent chez un patient. Et la scène de crime est ici l’ADN, cette longue hélice qui contient tout notre patrimoine génétique.

Ce patrimoine est présent dans chacune de nos cellules (ou presque) et il contient les quelques 20000 gènes qui font que nous sommes humains. Sauf que l’ADN mute sans cesse et, parfois, ces mutations apparaissent dans une région qui code pour un gène. Le plus souvent, rien ne se passe. Mais parfois, cette mutation tombe vraiment au mauvais endroit ! Impossible alors de décoder correctement le gène et on obtient une protéine altérée au lieu de la protéine fonctionnelle prévue…

Le plus souvent, le corps compense la perte de fonction en produisant plus de protéines ou en utilisant d’autres voies. Mais parfois encore, aucune échappatoire n’existe et un ou des symptômes se déclarent. On parle de maladies génétiques.

Heureusement, les médecins et les chercheurs ont développé des traitements pour lutter contre la plupart de ces maladies. Néanmoins, il faut être sûr que les patients ont bien cette mutation…

Extraire l’ADN: première mission du chercheur détective

 

La structure de l’ADN bien protégée au sein des noyaux de nos cellules (source : l’hebdo du petit scientifique).

 

Pour identifier une mutation dans l’ADN, il suffit de le comparer à la séquence « correcte » du gène. Vous vous dites :

Rien de plus simple !

En fait, si, c’est un peu plus compliqué que ça. Mais rien d’insurmontable.

L’ADN, bien que présent partout,  est surtout bien protégé dans le noyau des cellules. De plus, il est enroulé autour d’un tas de protéines, les histones, qui l’empêchent d’être attaqué par des enzymes qui coupent l’ADN (les DNases). Pour y accéder, il faut donc utiliser des détergents et des broyeurs pour déshabiller la molécule d’ADN.

On élimine ensuite toutes les protéines accrochées à l’ADN qui pourraient contaminer notre échantillon ou bloquer l’accès à la séquence qui nous intéresse. Pour cela, on découpe en petits morceaux ces  protéines grâce à des ciseaux très spéciaux : les protéases (des enzymes !).

Puis, on précipite l’ADN dans de l’alcool, le plus souvent de l’éthanol. En effet, l’ADN est constitué principalement de sucres et, est donc soluble dans l’eau. A l’inverse, dans de l’alcool presque pur, l’ADN se recroqueville et forme une méduse caractéristique. Cette méduse, coule au fond des tubes du scientifique ce qui permet, après centrifugation, d’isoler facilement l’ADN des fragments de protéines restés en suspension.

 

L’ADN précipité dans de l’éthanol (source CEPH).

 

Vous mourez d’envie de faire cette expérience à la maison ? C’est possible ! Pourquoi ne pas vous entraîner avec une pomme ou une banane avant de vous lacer sur les scènes de crime : par ici le protocole.

La polymerase, cette photocopieuse d’ADN

Maintenant que le chercheur a isolé l’ADN, il veut le comparer à la séquence pathologique et à la séquence « normale ». Pour cela, il a besoin d’un outil: la polymérase.

Cette protéine est nécessaire pour copier l’ADN. A ce titre, elle est présente dans toutes nos cellules car elle permet de dupliquer l’ADN avant la division cellulaire que l’on appelle la mitose. Sauf que nos polymérases fonctionnent, comme toutes nos enzymes : à 37°C (température normale de notre corps). Et surtout, elles ont besoin que l’hélice d’ADN soit ouverte par des hélicases ( allez hop encore une enzyme !). Pas très pratique pour les chercheurs…

Heureusement, dans d’autres organismes, les contraintes sont bien différentes. Chez les Archées, des êtres unicellulaires qui ne sont ni procaryote (bactéries notamment), ni eucaryote (les levures, les plantes, les animaux, les humains…), les polymérases sont bien plus efficaces. Et pour cause… On trouve ces organismes dans les endroits les plus extrêmes de la terre: des geysers, des sources chaudes sous-marines, des environnements quasiment dépourvu de phosphore essentiel à la vie… On pense même que certains de ces organismes pourraient survivre au vide absolu !!!

Chez les Archées vivants près des sources chaudes, les chercheurs ont isolé des polymérases qui fonctionnent à plus de 50 ou 60°C. Bien pratique quand on sait que L’ADN s’ouvre tout seul à 72 degrés Celsius… Les chercheurs utilisent donc très souvent des polymérases d’archées ou de bactéries thermophiles pour recopier l’ADN. Ces polymérases ont donné leur nom à cette technique : la Polymerase Chain Reaction (PCR) qui peut se traduire par réaction en chaîne par polymérase.

Copier/coller oui mais du spécifique !

Pas question de recopier tout l’ADN ! Ça serait trop long ! Pour être encore plus spécifique, les chercheurs utilisent des sondes (ou amorces) dont on connaît la séquence et qui vont se coller de chaque côté de la partie de  l’ADN que l’on souhaite copier.

Mais au lieu de la copier une fois, le chercheur va la copier un très grand nombre de fois. C’est ce qu’on appelle les cycles de réplication. Une PCR comprend classiquement une trentaine de cycles. A chaque cycle, l’ADN va être ouvert (phase de dénaturation), les sondes vont se fixer à leur séquence spécifique (c’est la phase d’hybridation) et la polymerase va recopier cette séquence (phase d’élongation).

 

Un exemple de cycle de PCR.

 

A la fin du premier cycle, on aura ainsi 2 fois cette séquence originelle. Au cycle suivant, ces 2 séquences en donneront 4. Puis 8. Puis 16… Au trentième cycle, la séquence spécifique sera présente 2 puissance 30 fois de plus qu’au départ soit pour chaque copie initiale plus d’un milliard de fois la séquence originale. Beaucoup plus facile à détecter !

Ainsi, lors de la recherche d’une mutation, le chercheur fera 2 PCR: une avec des  sondes spécifiques de la séquence « normale » (1) et une avec des sondes contenant la mutation que l’on recherche (2).

Dans le cas où la personne ne présente pas la mutation (cas A), seule la sonde « normale » (1) se fixera à l’ADN et s’amplifiera. Par contre, dans le cas où la personne présente la mutation dans ses gènes (cas B), c’est la sonde « mutée » (2) qui se fixera, permettant au chercheur de détecter la fameuse mutation !

 

Exemple de résultats de PCR lu sur un gel d’agarose (l’ADN est marqué par un marqueur fluorescent).
Cas A : sujet sain; Cas B : patient. (1) : sonde « normale »; (2) : sonde mutée.

 

La PCR comme arme contre la criminalité

Revenons à notre enquête criminelle. Lors d’une enquête, il devient commun de prélever des « traces » du passage du criminel. Un cheveu, une goutte de sang… A partir de quelques cellules, les chercheurs sont capables d’amplifier l’ADN présents et donc, en le comparant à l’ADN d’un suspect, l’identifier avec quasi certitudes.

Pour se faire, la police scientifique amplifie le plus souvent l’ADN mitochondrial qui est présent, comme son nom l’indique, dans nos mitochondries. Les mitochondries sont un constituant de nos cellules et permettent de leur fournir l’énergie nécessaire à leur bon fonctionnement. Elles sont donc en général très nombreuses dans nos cellules et représentent donc un stock d’ADN très pratique…  Surtout quand on récupère une seule cellule issue d’un cheveu !

Mais cet ADN est très particulier… Il est transmis de la mère à l’enfant. Les frères et sœurs ont donc le même, tout comme leur grand-mère maternelle. Attention donc à bien connaître les limites de la science et de la PCR avant de l’utiliser en justice !

 

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